PLACEBO

Placebo domino in regionem vivorum

 

Tout le monde, ou presque, s'accorde à penser que les essais cliniques en double aveugle contre placebo sont la référence incontournable pour qui veut démontrer de la manière la plus rigoureuse qu'une principe actif défini a un effet thérapeutique indiscutable. Ils sont même à la base de la médecine fondée sur les preuves, traduction approximative de l'evidence based-medicine (ou EBM) des anglo-saxons), qui se veut la référence absolue pour fonder la médecine scientifique. 

Seulement de quoi parle-t-on ?

Double aveugle (ou double insu) : pour éviter des interférences "psychologiques" dans l'effet thérapeutique, ni le patient, ni le médecin ne savent quelle thérapeutique est administrée (médicament testé ou placebo) jusqu'au dépouillement final de l'essai clinique, 

Placebo : tout se complique. La définition même du mot placebo est variable selon le référentiel dictionnaire.

 

Le placebo est une substance neutre que l'on substitue à un médicament pour contrôler ou susciter les effets psychologiques accompagnant la médication.

Le Petit Robert - 1984

Préparations pharmaceutiques (pilules, cachets, potions, etc.) dépourvues de tout principe actif et ne contenant que des produits inertes. Elles sont prescrites dans un but psychothérapeutiques ou pour juger par comparaison et en éliminant le facteur psychique, de l'action réelle des médicaments présentés sous une forme identique, avec lesquels on les fait alterner à l'insu du malade.

Garnier Delamare 25è édition - 1998

Substance améliorant les symptômes présentés par un malade alors que son efficacité pharmacologiquement prévisible devrait être nulle ou négligeable. Il existe en effet une participation psychologique essentielle dans l'effet placebo.

Dictionnaire de Médecine Flammarion

1. Roman Catholic Church. The service or office of vespers to the dead.

2a. Medicine. A substance sontaining no medication and given merely to humor a patient. 

2b. An inactive substance used as a control in an experiment

3. Anything lacking intrinsic remedial value, done or given to humor another. 

The illustrated Heritage DICTIONARY and information book - Houghton Mifflin Company - 1977

 

Alors ? Placebo, substance inerte ou qui devrait l'être ? 

Toute préparation pharmaceutique, même dans le but d'obtenir un référentiel placebo, contient des substances, qui, si elles sont probablement peu actives individuellement, n'en sont pas moins réelles et en quantités pondérales. Or le talc, l'oxyde de zinc, la silice colloïdale, le saccharose, un ortho-hydroxy benzoate, etc. , toutes substances retrouvées dans les excipients, peuvent faire partie des substances actives d'autres médicaments. En conséquence, il semble donc que la seule définition acceptable de placebo n'est pas "substance inerte" mais "substance dont l'effet pharmacologique devrait être nul ou négligeable".


Quand un point fixe (le placebo) est défini, autour duquel tout le raisonnement de l'efficacité thérapeutique s'articule, ne faudrait-il pas une rigueur absolue dans sa définition ?
Mais qui connaît la composition du placebo utilisé dans tel ou tel essai thérapeutique ?
En dehors de l'industriel qui promeut l'essai, personne ne connaît cette composition, qui, en principe, reproduit la part excipient du médicament final (= principe actif à tester + excipient).
Cela pose un véritable problème médico-scientifique bien mis en évidence par Beatrice GOLOMB dans une lettre à l'éditeur du journal The Lancet :

 

Beatrice Alexandra GOLOMB (MD, PhD) s'est posé cette question ainsi :
(cf. http://medicine.ucsd.edu/faculty/golomb/  Extrait)

* Placebos: Methodologically vital observation published as a letter to the Editor in Nature that the basis of “evidence-based” medicine, the placebo controlled trial, rests on the assumption that placebos are inert; but in fact there are no requirements about what goes them, their composition remains unpublished, and the drug companies manufacturing the agent being tested typically determine the composition. Moreover, there is no evidence that any agent is inert to the degree required by recent very large clinical trials designed to tap small effects; therefore, a positive, negative, or same direction effect of a placebo can generate the spurious appearance of a negative, positive, or null effect of the agent under scrutiny. Moreover there are demonstrable cases of such problems arising in the older literature, when placebo composition was actually sometimes stated. Advised change in policy, at the minimum requiring placebo composition to be stated in medical journals, and offered other suggestions to mitigate the problem. Wrote a follow-up invited Editorial in Chemistry and Biology.

Golomb, B. A. (1995). “Paradox of placebo effect.” Nature 375(6532): 530.
Golomb, B. A. (1996). “Using placebos.” Nature 379(6568): 765.

 

Pourquoi la composition du placebo ne pourrait-elle pas être fixe, et reconductible d'un essai à un autre ?
Bien sûr, chacun objectera que nul (ni le patient, ni l'expérimentateur) ne doit pouvoir distinguer le médicament avec principe actif du contrôle qui contient l'excipient seul et, qu'il y a fort peu de chance qu'un placebo standard puisse revêtir toutes les apparences possibles. Mais il me semble qu'un habillage minimum pourrait faire l'affaire.
Quel placebo standard en ce cas ?
La silice colloïdale pourrait convenir.
C'est un des excipients les plus utilisés et une préparation standard commercialisée comme modificateur de terrain existe dans la pharmacopée, c'est le Dissolvurol (cf. Vidal). Modificateur de terrain laisse supposer une activité thérapeutique minimum, probablement assez lente si elle existe (...), et très certainement peu gênante dans la quasi-totalité des essais thérapeutiques. Le fait qu'aucune contre-indication n'existe pour cet agent thérapeutique et que les rares effets secondaires répertoriés à type de nausées sont assez probablement non-spécifiques, pourraient faire de cette silice colloïdale préparée par électrolyse (pas de contre-ion cationique) le contrôle d'efficacité thérapeutique le plus proche possible du standard neutre.

Voici quelques textes qui devraient aider à penser mieux l'ambiguïté fondamentale suggérée par ces quelques questions :

  PLACEBO : une question de principe - Mémoire (format *.pdf) pour le D.I.U. de Méthodologie de la Recherche Clinique et Épidémiologique - Fort-de-France 2002  qui développe et affine les idées de cette page. Également http://pla.ce.bo.free.fr Texte du mémoire et mise en perspective (liens) : le placebo dans tous ses états ou la prestidigitation sans peine... (l'Evidence-Based Medicine (E.B.M.) serait-elle construite sur du sable ?)

  Placebo & effet placebo - Cours de psychologie médicale (C. Guillaumont)
     (1-V-01)    (copie locale commentée) manquant pour le moment

  Pharmacologie du placebo - Cours de pharmacologie - Fac Médecine Rennes (P. Lemoine)
     (1-V-01)    (copie locale commentée)

  [Silicium] & placebo (discussion sur fr. bio.medecine)
     (6-VIII-97)

  [Silicium] & étude double aveugle, double insu"e" - fr.bio.medecine
     (15-IX-97) Pour sourire un peu...

 

http://wij.free.fr/placere.htm 
Création le 1er mai 2001
MàJ le 16 août 2003