Prescrire
|
Après 23 ans de commercialisation en France, Conjonctyl° (composé de monométhyltrisilanol orthohydroxybenzoate de sodium (alias méthylsilanetriol, et présenté comme "stimulant de la régénération des tissus conjonctifs") a suivi la procédure de validation comme toutes les spécialités mises sur le marché avant 1976. L'Agence française du médicament a alors considéré que le dossier d'évaluation (notamment clinique) n'était pas conforme aux exigences actuelles, ce qui n'est pas étonnant vu l'âge de la spécialité. L'autorisation de mise sur le marché (AMM) n'a donc pas été renouvelée à compter de 1996, mais le fabricant a disposé d'un an de délai pour présenter un éventuel nouveau dossier de demande d'AMM "conforme", avant l'arrêt de fabrication définitive. C'est pourquoi Conjonctyl° a continué à être disponible en officine jusqu'à épuisement des stocks. Il n'y a pas eu de retrait autoritaire pour raison de pharmacovigilance. Les laboratoires Sédifa ont renoncé à reconstruire un dossier de demande d'AMM conforme aux exigences actuelles. Vu les indications revendiquées jusqu'alors pour Conjonctyl° (artérites, ostéoporoses, mastodynies), il faudrait en effet entreprendre des essais cliniques importants, sans doute trop lourds pour une entreprise comme les laboratoires Sédifa. La solution adoptée par ces laboratoires n'a pas été d'arrêter de vendre leur spécialité (comme cela se produit souvent), mais d'envisager sa commercialisation sous le statut de "dispositif médical", beaucoup moins contraignant que celui de médicament (1). Selon les laboratoires Sédifa que nous avons interrogés par téléphone, la procédure est actuellement en cours, mais sa durée est imprévisible. Toujours selon les laboratoires Sédifa, lorsque Conjonctyl° sera à nouveau commercialisé, sous ce statut de dispositif médical, une campagne d'information sera réalisée à l'intention des professionnels de santé et de leurs médias. C'est donc une fois de plus, l'histoire d'un vieux médicament qui ne sera pas mieux évalué mais qui continuera probablement à être commercialisé, grâce à un artifice administratif. On peut le regretter, s'agissant notamment d'un médicament injectable non anodin, mais le même problème se pose par exemple pour des médicaments à base d'acide hyaluronique aujourd'hui commercialisés comme dispositifs (1). Y a-t-il moyen de remplacer Conjonctyl° pour des patients qui en recevaient ? Il n'y pas d'équivalent strict sur le marché français du médicament du médicament. Selon les indications (en cardio-angéiologie, en rhumatologie ou en gynécologie), le Guide national de prescription (GNP) le classe auprès de spécialités relevant de l'homéopathie ou de l'oligothérapie, voire de la phytothérapie (2,3,4). Les ouvrages de référence en pharmacologie clinique ne mentionnent pas le méthylsilanetriol, qu'ils soient anglophones (Martindale, British National Formulary, AMA Drug Evaluations) ou francophone (Schorderet). Cela tend à confirmer qu'il s'agit d'une substance qui n'a pas fait la preuve d'une activité clinique spécifique (en l'état de son évaluation). On ne peut donc la considérer que comme une substance à effet placebothérapeutique, qui pourrait être remplacée par les spécilaités énumérées dans les mêmes chapitres du GNP (2,3,4). Il est toutefois essentiel, vu les indications concernées, que les patients aient fait l'objet d'un diagnostic rigoureux, ne laissant pas dans l'ombre une pathologie sérieuse qui nécessiterait un autre type de traitement. La revue Prescrire
.............. 1- "Des médicaments deviennent 'dispositifs médicaux' " Rev Prescr 1998 ; 18 (189) : 758 2- "Vasodilatateurs et anti-ischémiques - Autres". In "GNP-Encyclopédie pratique du médicament". OVP Éditions du Vidal, Paris 1999 : 183. 3- "Rhumatologie - Autres". In "GNP-Encyclopédie pratique du médicament". OVP Éditions du Vidal, Paris 1999 : 1401-1402. 4- "Gynécologie - Autres - Voie générale". In "GNP- Encyclopédie pratique du médicament". OVP Éditions du Vidal, Paris 1999 : 713-714.
|
|
|