Prière
de
Maimonide

 

Mon Dieu, remplis mon âme d'amour pour l'art et pour toutes les créatures. N'admets pas que la soif du gain et la recherche de la gloire m'influencent dans l'exercice de mon Art, car les ennemis de la vérité et de l'amour des hommes pourraient facilement m'abuser et m'éloigner du noble devoir de faire du bien à tes enfants. Soutiens la force de mon coeur pour qu'il soit toujours prêt à servir le pauvre et le riche, l'ami et l'ennemi, le bon et le mauvais.

Fais que je ne voie que l'homme dans celui qui souffre. Fais que mon esprit reste clair auprès du lit du malade et qu'il ne soit distrait par aucune chose étrangère afin qu'il ait présent tout ce que l'expérience et la science lui ont enseigné, car grandes et sublimes sont les recherches scientifiques qui ont pour but de conserver la santé et la vie de toutes les créatures.

Fais que mes malades aient confiance en moi et mon Art pour qu'ils suivent mes conseils et mes prescriptions. Eloigne de leur lit les charlatans, l'armée des parents aux mille conseils, et les gardes qui savent toujours tout : car c'est une engeance dangereuse qui, par vanité, fait échouer les meilleures intentions de l'Art et conduit souvent les créatures à la mort. Si les ignorants me blâment et me raillent, fais que l'amour de mon Art, comme une cuirasse, me rende invulnérable, pour que je puisse persévérer dans le vrai, sans égard au prestige, au renom et à l'âge de mes ennemis. Prête-moi, mon Dieu, l'indulgence et la patience auprès des malades entêtés et grossiers.

Fais que je sois modéré en tout, mais insatiable dans mon amour de la science. Eloigne de moi l'idée que je peux tout. Donne-moi la force, la volonté et l'occasion d'élargir de plus en plus mes connaissances. Je peux aujourd'hui découvrir dans mon savoir des choses que je ne soupçonnais pas hier, car l'Art est grand mais l'esprit de l'homme pénètre toujours plus avant.

Traduction tirée de : SOULIER, Du Serment d'Hippocrate à l'éthique médicale, Thèse médecine, Marseille, 1985

 

Maïmonide ou Moïse Ibn Maïmoun, juif espagnol de culture arabe, est né à Cordoue en 1135 et mort à Foustat en 1204. Il émigre à Fez puis au Caire où il devient grand Rabbin et médecin personnel du sultan Saladin. Homme de grande culture, aussi connu comme philosophe Talmudiste que comme médecin, les juifs le comparent au Moïse de la Bible et les chrétiens lui décernent le titre d'Aigle de la Synagogue.

Partisan du "juste milieu", il considère que les "médicaments ne servent qu'à soutenir la nature dans sa tâche mais ne peuvent se substituer à elle" et n'hésite pas à expérimenter les drogues sur lui-même. La guérison est pour lui synonyme de retour à un équilibre antérieur momentanément perturbé par la maladie. Un de ses contemporains vantait ainsi ses conceptions : "Gallien, par son art, ne traitait que le corps de l'homme ; celui de Ben Maïmon traite tout à la fois son corps et son esprit".

La Prière Médicale qui lui est attribuée est parue pour la première fois en Allemand en 1783 sans que la trace d'un original en Hébreu ne soit mentionée. Son origine est donc douteuse et pour certains elle aurait été composée à partir de la "Prière médicale d'un médecin juif de Rome" écrite par Jacob Zahalon au 17eme siècle. Il est admis qu'elle correspond bien à l'esprit de Maimonide et à l'esprit des médecins juifs du Moyen-Age.

http://wij.free.fr/maimonid.htm
Création le 14 juillet 1999 par J.-Ph. GÉRARD
MàJ le 28 octobre 2000