SILICE

Le dioxyde de silicium ou silice occupe, parmi les oxydes, une place exceptionnelle; en effet, par ses propriétés cristallochimiques, par ses modes de genèse, par son importance pétrographique, il s’apparente étroitement aux silicates. Dans la quasi-totalité de ses formes, il apparaît comme le modèle le plus simple des tectosilicates: une charpente tridimensionnelle faite de tétraèdres SiO4 liés les uns aux autres par leurs sommets, chaque atome d’oxygène étant commun à deux tétraèdres, d’où la formule globale SiO2. On connaît actuellement huit formes cristallisées de silice anhydre: le quartz, la tridymite, la cristobalite, la coésite, la kéatite, la stishovite, la mélanophlogite, la silice fibreuse W. À l’état amorphe, l’oxyde de silicium existe sous la forme de verre de silice anhydre et sous celle de silice colloïdale hydratée. La plupart de ces différentes silices – quartz, tridymite, cristobalite, coésite, stishovite, mélanophlogite, lechateliérite (verre de silice) et opales, silices hydratées plus ou moins amorphes – sont présentes dans la nature. Le quartz, et ses nombreuses variétés, est de très loin l’espèce la plus importante; il est, avec les silicates qu’il accompagne fréquemment, l’un des minéraux majeurs de beaucoup de roches –  en particulier des roches éruptives, dans la classification desquelles interviennent l’excès, la saturation ou le déficit en silice. Les nombreuses applications industrielles (optique, électronique, production de matériaux réfractaires, etc.) que connaît cette famille minérale accroissent encore l’intérêt des études qu’ont suscitées des propriétés et un rôle géochimique originaux.

1. Physico-chimie

Il existe des relations étroites entre les structures des diverses silices. Toutes les formes sauf une, la stishovite, présentent les mêmes tétraèdres SiO4 s’associant par leurs sommets comme dans les tectosilicates (cf. SILICATES, fig. 1). Cependant, les modes d’association varient d’une espèce à l’autre, ce qui entraîne des différences dans les densités et les indices moyens de réfraction (cf. tableau).

Transformations polymorphiques

Les trois principales formes de silice – quartz, tridymite, cristobalite – correspondent chacune à des conditions d’équilibre bien définies. Leurs domaines de stabilité thermodynamique à la pression ordinaire ont été déterminés par C. N. Fenner en 1913 (fig. 1). À la température ordinaire, le quartz, qui est stable, la tridymite et la cristobalite, qui sont métastables, sont des formes de basse température (dites B.T. ou a); elles subissent, quand on les chauffe, des transformations en formes de haute température (H.T. ou b); ces transformations, rapides et réversibles, sont appelées paramorphiques  ou de déplacement , car elles comportent de faibles déplacements des atomes et de légères modifications des propriétés physiques, alors que les transformations mutuelles, dites non paramorphiques  ou reconstructives , de ces trois formes de silice, dont les structures atomiques et les propriétés physiques diffèrent profondément, sont lentes, difficiles et nécessitent le plus souvent l’action d’un minéralisateur qui en augmente considérablement la vitesse. L’importance économique des minéralisateurs (sels alcalins ou alcalino-terreux principalement) peut être considérable, par exemple, dans l’industrie des réfractaires, où l’on utilise des briques de silice; la matière première est le quartz sous la forme de grès ou de quartzites et des silex qu’il s’agit de transformer, au meilleur marché, en un mélange de tridymite et de cristobalite.

L’influence de la pression sur les transformations paramorphiques et non paramorphiques de la silice a été étudiée, en particulier, par H. S. Yoder (1950), O. F. Tuttle et N. L. Bowen (1958). La température de la transition quartz de basse température-quartz de haute température est élevée d’environ 1 0C pour une augmentation de la pression de 4 Z 106 pascals. Le diagramme température-pression (fig. 2a) montre également que la tridymite et la cristobalite ne peuvent se former respectivement au-dessus de 3 Z 108 et de 5 Z 108 pascals ce qui pourrait expliquer leur extrême rareté dans les roches plutoniques.

Fusion, dévitrification, vaporisation

La température de fusion (équilibre solide-liquide) des silices cristallisées est difficile à déterminer par les méthodes classiques. Généralement, on détecte la fusion par l’identification (au microscope polarisant) du verre obtenu par un refroidissement rapide. La cristobalite, forme stable de haute température, fond à 1 713 0C, avec une chaleur latente de fusion de 7 670 J . mol-1. Les points de fusion, à la pression ordinaire, du quartz et de la tridymite, qui sont métastables à haute température, sont mal définis. Le quartz pur commence à fondre vers 1 500 0C, la tridymite vers 1 670 0C. À la température ordinaire, la silice vitreuse est métastable. Maintenue au-dessus de 1 000 0C, elle se dévitrifie d’autant plus rapidement qu’elle est plus divisée et que la température est plus élevée. C’est la cristobalite qui cristallise normalement, en trois étapes: nucléation, cristobalite plus ou moins bien cristallisée, cristobalite bien ordonnée. L’obtention de tridymite ou de quartz requiert l’intervention de minéralisateurs; par exemple, avec NaCl, et KCl, et en présence d’air, la cristallisation s’effectue entre 800 et 1 000 0C pour la tridymite, entre 700 et 750 0C pour le quartz (il se forme d’abord la cristobalite vers 780 0C); avec d’autres minéralisateurs (NaF et KF, Na2O, CaO, etc.), les températures seront sensiblement différentes.

La volatilisation de la silice, signalée depuis longtemps (Gaudin, Moissan...), s’opère autour de 2 700 0C avec une tension de vapeur de 7 Z 104 Pa (Ruff et al.).

Réactions chimiques

Les propriétés chimiques des différentes silices sont très voisines, mais les réactions sont d’autant plus faciles que le matériau est plus divisé, léger et hydraté.

La silice est attaquée par l’acide fluorhydrique HF pour donner l’acide fluosilicique H2SiF6; en milieu déshydratant (en présence de H2SO4, par exemple), il se dégage du tétrafluorure de silicium SiF4. Cette attaque est utilisée dans la gravure sur verre.

On peut considérer SiO2 comme un anhydride, qui est donc attaquée par les bases anhydres (et les carbonates alcalins et alcalino-terreux), plus facilement à l’état fondu qu’en solution, pour donner des silicates. La fusion alcaline avec le carbonate de sodium est pratiquée couramment au début des analyses de produits siliciques.

La silice réagit avec de nombreux sels. Les réactions avec les silicates, particulièrement importantes au sein de l’écorce terrestre [cf. PÉTROLOGIE], s’effectuent à des températures généralement inférieures à 1 000 0C, mais sous des pressions pouvant atteindre plusieurs milliers de kilopascals et en présence de H2O et de constituants volatils (HCl, CO2...), lors du métamorphisme et de l’anatexie (cf. ANATEXIE, MÉTAMORPHISME).

Le système SiO2-H2O

Le rôle minéralisateur de l’eau, soupçonné très tôt par les minéralogistes observant des inclusions aqueuses dans les cristaux de quartz et l’association à ce minéral de formes hydratées telles que l’opale, a été mis en évidence par les expériences de cristallisation et de transformation polymorphique par voie hydrothermale effectuées, dès le milieu du XIXe siècle, par Daubrée, Friedel... La figure 2b représente le diagramme température-pression d’eau des principales formes de silice.

Il est bien établi maintenant que la silice se dissout dans l’eau sous la forme de la molécule Si(OH)4, acide monosilicique ou orthosilicique, peu dissocié (plus faible que l’acide carbonique), selon la réaction de dépolymérisation:

 

 La teneur en Si(OH)4 de la solution croît en fonction du temps, pour atteindre une valeur limite qui correspond au taux de saturation; les vitesses de dissolution sont beaucoup plus faibles pour les formes cristallisées que pour la silice amorphe (fig. 3a) et dépendent en outre de la granulométrie du matériau. La solubilité, qui est de 0,140 g/l (140 ppm) à 25 0C, dépend peu du pH tant que celui-ci demeure inférieur à 9; au-dessus de cette valeur, la molécule Si(OH)4 se dissocie en ions tels que [SiO(OH)3]-, [SiO2(OH)2)2- et H+, et l’équilibre de dépolymérisation est fortement déplacé: la solubilité s’accroît de façon exponentielle (fig. 3 b). Lorsque le titre pondéral en silice monomoléculaire dépasse la saturation pour un pH donné, la solution devient instable: il se forme des composés condensés (dans l’ordre de condensation déshydratante, acides oligosiliciques, sols, gels, polymères solides), jusqu’à ce que la teneur en Si(OH)4 retombe à 140 ppm. Cette évolution est réversible: par dilution du liquide, ou par relèvement de son pH, on provoque l’hydrolyse des composés condensés avec retour à l’état monosilicique.

Dans les eaux naturelles, la teneur en silice – essentiellement libérée par l’hydrolyse des silicates [cf. ALTÉRATION DES ROCHES] est très inférieure au taux de saturation; elle varie entre 1 et 35 ppm. Quand la température s’élève, la solubilité de la silice augmente; pour le quartz, elle atteint 440 ppm à 100 0C, 700 ppm à 330 0C, pour décroître ensuite brusquement (fig. 3c). Dans l’eau à l’état supercritique, elle croît régulièrement avec la pression – elle dépasse 20 p. 100 à 500 0C et 108 pascals (fig. 3d) – et augmente également si l’eau contient de petites quantités de sels alcalins.

Les réactions de la silice avec d’autres ions en solution (Al3+, Mg2+...) peuvent donner naissance à des gels mixtes (par exemple, allophanes) et, dans certaines conditions, à des silicates de néoformation comme ceux des argiles [cf. ARGILES ET MINÉRAUX ARGILEUX].

Effets physiologiques

Les recherches entreprises sur les pneumoconioses (cf. appareil RESPIRATOIRE) ont montré que les poussières de silice inhalées, à la différence de celles de charbon, par exemple, sont toxiques et que leur effet fibrosant, caractéristique de la silicose , serait plus sensible avec les formes cristallisées qu’avec la silice amorphe.

2. Les différentes formes de silice

Quartz

Le quartz, que l’on trouve à l’état naturel en cristaux de grandes dimensions, incolores, homogènes, est sans aucun doute le corps solide ayant fait l’objet des mesures physiques les plus diverses et les plus précises. C’est l’un des minéraux les plus abondants; l’écorce terrestre en contient 12 p. 100 de son poids, et c’est un constituant important des roches éruptives, métamorphiques et sédimentaires (cf. chap. 3).

Structure et propriétés physiques

Le quartz cristallisé à la température ordinaire, sous une forme dite a ou B.T. (basse température), appartient au système hexagonal avec une symétrie ternaire A33A2; cette tétratoédrie hexagonale explique la fréquence des macles, qui rendent la plupart des quartz impropres aux usages industriels, électriques ou optiques.

H. Le Chatelier a montré que le quartz a, de densité 2,65, subit, quand on le chauffe à 573 0C (fig. 1), une transformation dans une forme b ou H.T. (haute température), appartenant à l’hémiédrie hexagonale A63A23A2; le passage de la forme a à la forme b s’accompagne d’une brusque dilatation, la densité passant de 2,554 à 2,533.

La figure 4a montre la structure du quartz a. Celle-ci peut se déduire de celle du quartz b, de symétrie deux fois plus grande (fig. 4b). Dans ce dernier, des tétraèdres SiO4 liés par leurs sommets sont associés autour d’axes ternaires hélicoïdaux; les paramètres a  et c  de la maille hexagonale (qui contient 3SiO2) sont égaux respectivement à 0,4996 et à 0,5456 nm. En passant à la structure du quartz b, les Si subissent une rotation de 60 52H autour de l’axe hélicoïdal; par chaque Si passe un axe binaire. La maille hexagonale du quartz a a pour paramètres: a  = 0,4913 nm, c  = 0,5405 nm. L’angle Si-O-Si (143,900) indique une liaison intermédiaire entre les liaisons ionique et covalente. Dans un cristal, les hélices formées par les tétraèdres tournent toutes dans le même sens, ce qui entraîne l’absence d’éléments de symétrie inverse (centre, plan de symétrie): les cristaux de quartz sont énantiomorphes, soit droits dans le cas d’axes ternaires hélicoïdaux gauches, soit gauches dans le cas inverse (cf. MINÉRALOGIE, fig. 2).

Le quartz se présente le plus souvent avec des faciès où dominent le prisme hexagonal (1010), dont les faces sont généralement striées parallèlement à sa base, et la double pyramide hexagonale, particulièrement développée dans les quartz b cristallisés à haute température et constituée par les deux rhomboèdres direct (1011) et inverse (0111); on a décrit d’autres formes (500 environ) qui apparaissent comme des troncatures peu développées.

Les cristaux de quartz sont le plus souvent maclés. Les macles les plus fréquentes, celles qui sont dites à axes parallèles , ne modifient pas le faciès des cristaux si celui-ci résulte de la combinaison des formes du prisme hexagonal surmonté par la double pyramide. La macle du Dauphiné  est une association de deux orientations définies par une rotation de 600 autour de l’axe ternaire (axe sénaire de macle): la symétrie de l’ensemble est celle du quartz b. Cette macle apparaît nécessairement si la cristallisation s’est réalisée dans le domaine de stabilité du quartz b (au-dessus de 573 0C à la pression ordinaire), d’où l’utilisation par les géologues de cette macle comme repère thermométrique. Les cristaux maclés suivant cette loi sont impropres aux usages piézoélectriques, d’où son nom industriel de macle électrique . La macle optique , plus rare, caractérisée par le plan de macle (0001) est une association de deux cristaux, l’un droit et l’autre gauche; elle ne gêne pas les électriciens, mais elle interdit les applications optiques. La macle du Brésil  ou macle électro-optique  est une association de deux orientations par l’opération d’un centre de symétrie. Enfin, la plupart des cristaux de quartz comportent quatre orientations résultant de la combinaison de deux des trois macles précédentes; ils sont impropres aux usages optiques et électriques.

Signalons la macle à axes inclinés , dite de La Gardette  ou du Japon , très rare: association de deux cristaux dont les axes ternaires font un angle de 840 33H.

Les cristaux de quartz ne présentent, sous le choc, aucun clivage mais une cassure conchoïdale, vitreuse. Cependant, des plans de clivage peuvent être mis en évidence dans des lames très minces pressées normalement avec une pointe métallique; ce sont, par ordre de facilité: (1011) et (0111), (1010), etc. Le quartz a servi à définir la dureté 7 dans l’échelle du Mohs (cf. MINÉRALOGIE, tabl. 4).

Le quartz a est uniaxe de signe optique positif; n 0  = 1,544 et n e  = 1,553; sa biréfringence de 0,009 se traduit par des teintes de polarisation grises dans les lames minces examinées au microscope polarisant. C’est sur le quartz que Biot découvrit, en 1814, le phénomène de polarisation rotatoire. L’énantiomorphie du quartz provoque en effet la rotation du plan de polarisation de la lumière dirigée parallèlement à l’axe optique: le quartz est dit dextrogyre (ou droit) quand, pour l’observateur qui perçoit la lumière, la rotation s’effectue dans le sens des aiguilles d’une montre; il est lévogyre (ou gauche) dans le cas inverse. À 20 0C, le pouvoir rotatoire spécifique, qui correspond à une épaisseur de 1 mm, a pour valeur 21,720 pour la raie D du sodium.

En 1880, Jacques et Pierre Curie découvrirent sur le quartz la piézo-électricité, qui peut être produite non seulement par traction ou compression, mais aussi par torsion d’un cristal [cf. PIÉZO-ÉLECTRICITÉ].

La transparence du quartz dans l’ultraviolet le fait employer en optique, pour la fabrication de lentilles et de prismes de spectrographes utilisables jusqu’à 170 nm. Les premières applications industrielles de la piézo-électricité furent faites par Langevin pour la production et la détection des ultrasons. Depuis, les applications électroniques des quartz sont de première importance; les quartz du Brésil et de Madagascar, qui sont les plus propres pour cet usage, sont souvent remplacés par des quartz synthétiques, obtenus par voie hydrothermale, à des températures comprises entre 400 et 500 0C et à des pressions d’eau de l’ordre de 108 Pa (cf. GEMMES, fig. 8).

Variétés

Les quartz naturels bien cristallisés (cf. MINÉRALOGIE, pl. III) sont répartis dans des variétés qui sont: le cristal de roche , transparent, incolore, qui, en dehors des applications optiques et électriques, a servi de tout temps à la fabrication d’objets d’ornement; le quartz enfumé , qui doit sa couleur plus ou moins brun foncé à l’action du rayonnement de substances radioactives, et qui redevient incolore quand on le chauffe; le quartz améthyste , violet, riche en fer, qui, par un traitement thermique convenable, prend une teinte jaune brun (les pierres sont alors utilisées en joaillerie sous le nom de citrine ou de topaze); la citrine , jaune, plus rare que l’améthyste, que les joailliers dénomment souvent topaze; le quartz rose , massif, sans forme cristalline, riche en oxyde de titane, qui sert à la fabrication d’objets d’ornement.

La calcédoine  désigne des variétés de silice constituées de microcristaux de quartz avec une texture fibreuse qui lui confère des propriétés optiques particulières telles que les minéralogistes en faisaient une espèce définie. Ce sont les rayons X qui ont montré sa nature et son identité avec le quartz. Les calcédoines contiennent de 90 à 99 p. 100 de quartz, le reste étant l’eau et différents oxydes qui les colorent et qui les divisent en diverses variétés, dont certaines sont utilisées en joaillerie. Le sarde  ou sardoine  est de couleur plus ou moins brune; la cornaline  doit sa couleur rouge à un oxyde de fer; le chrysoprase , vert pomme, à la présence de nickel; le prase , vert foncé, translucide, contient une amphibole; le plasma  est vert foncé, opaque; l’héliotrope  est un plasma avec des taches rouges dues à un oxyde de cuivre; l’agate  est une calcédoine rubanée translucide dont l’onyx  est une variété avec des bandes d’un blanc laiteux alternant avec des bandes noires ou brunes. On peut rapprocher des calcédoines le silex , que l’on trouve en nodules de couleur grise dans la craie; il est constitué de microcristaux de quartz assemblés d’une manière désordonnée; il en est de même pour le jaspe , qui peut renfermer jusqu’à 20 p. 100 d’impuretés, notamment un oxyde de fer.

Tridymite et cristobalite

Si la tridymite  et la cristobalite  sont des minéraux rares de certaines roches volcaniques, si elles interviennent – surtout la tridymite – dans certaines météorites pierreuses, ces formes légères de la silice cristallisée, puisque leurs densités sont respectivement 2,26 et 2,33, jouent un rôle important dans l’industrie céramique.

La tridymite subit deux transformations paramorphiques à 117 et à 163 0C; au-dessus de cette température, elle est hexagonale (fig. 5a). Son domaine de stabilité thermodynamique se situe entre 870 et 1 470 0C d’après Fenner (fig. 1). La transformation du quartz en tridymite ne peut se produire qu’en présence de minéralisateurs comme la chaux ou le tungstate de calcium, et les tridymites, naturelles ou artificielles, renferment toujours des impuretés en quantités notables; Al, Na, K, Ca... Des expériences récentes conduisent à nier l’existence d’un domaine de stabilité de la tridymite pure SiO2; les deux seules formes cristallines de la silice, à la pression ordinaire, seraient le quartz et la cristobalite, avec une température de transformation de 1 050 0C. La cristobalite, d’après Fenner, serait stable entre 1 470 et 1 713 0C, point de fusion de la silice. C’est la forme cubique de la silice cristallisée (fig. 5b), mais, à la température ordinaire (cristobalite a), sa structure est quadratique. Comme la tridymite, la cristobalite peut contenir divers ions étrangers.

Opale

L’opale  est une forme de silice hydratée, dont la composition chimique la rapproche de la calcédoine. Sa structure atomique, revélée par les rayons X, est un arrangement plus ou moins désordonné de strates de tétraèdres SiO4 qui l’apparente à la fois à la tridymite et à la cristobalite. Elle est généralement massive ou réniforme, parfois stalactitique, mais peut aussi pseudomorphoser d’autres minéraux (quartz, par exemple: cf. MINÉRALOGIE, pl. III, photo 3). Sa densité est voisine de 2,0. Elle peut être incolore ou diversement colorée; l’opale noble  et sa variété l’opale de feu , à reflets rouges provenant de phénomènes d’interférence qui donnent lieu à de beaux jeux de lumière (cf. GEMMES, pl. I, photo 2), sont des gemmes recherchées.

Autres formes

La coésite  et la stishovite , métastables à la pression ordinaire, ont d’abord été obtenues au laboratoire, à partir de silice colloïdale chauffée entre 500 et 800 0C à des pressions comprises entre 35 Z 105 et 75 Z 105 kilopascals pour la coesite, à des températures de 1 200 à 1 400 0C et à une pression de 115 Z 105 kilopascals pour la stishovite. Ces deux silices, identifiées, en 1960, dans les roches du Meteor Crater en Arizona, se sont formées sous l’action du choc d’une gigantesque météorite sur des grès quartzeux [cf. MÉTÉORITES]. On retrouve dans la coésite, monoclinique, de densité 3,0, la charpente tridimensionnelle des tétraèdres SiO4 des tectosilicates, tandis que la stishovite, quadratique, de densité très élevée (4,35), est la seule forme de silice dans laquelle les atomes de silicium sont hexacoordonnés et sont situés au centre d’octaèdres d’ions oxygène, chacun de ces ions étant commun à trois octaèdres. La structure atomique de la stishovite est tout à fait comparable à celle du rutile TiO2 (cf. OXYDES ET HYDROXYDES NATURELS, fig. 1d).

La mélanophlogite  est aussi une forme métastable de silice, très légère puisque sa densité est 2,05, que l’on a trouvée en Sicile, dans un calcaire solfifère, accompagnée de matières organiques, et plus récemment (1972) à Chvaletice (Bohême), dans un dépôt sédimentaire métamorphisé d’âge algonkien, avec de la pyrite et de la rhodochrosite. Elle est cubique, et il suffit de la soumettre à une pression élevée, par exemple par un broyage énergique à la température ordinaire, pour la transformer en quartz.

La silice W  s’obtient, au laboratoire, en soumettant une pastille constituée du mélange SiO2 + Si à l’action d’une pression réduite d’oxygène, entre 1 200 et 1 500 0C. Elle est orthorhombique. C’est la plus légère des formes de silice: sa densité est de 1,96. Elle est très instable et se transforme, sous l’action d’une trace d’eau, en silice amorphe.

La kéatite  est un produit microcristallin, constitué de lames carrées de quelques dizaines de microns de côté, dont la synthèse hydrothermale a été réalisée sous de hautes pressions à partir d’un gel de silice pure. C’est une forme intermédiaire entre la cristobalite et le quartz, inconnue dans la nature.

La silice vitreuse  existe à l’état naturel sous le nom de lechateliérite . On l’obtient en laboratoire par refroidissement de silice fondue ou par hydrolyse de SiCl4. Des hétérogénéités (inclusions, granularité) peuvent provenir d’impuretés, surtout de la présence d’eau (de l’ordre de 0,1 p. 100), essentiellement sous la forme OH. La densité (de l’ordre de 2,20), la viscosité (1013 Pa.s entre 1 000 et 1 150 0C; 7 Z 104 Pa.s à 2 000 0C) et l’indice de réfraction (voisin de 1,458 pour la raie D du sodium) varient en fonction de la teneur en eau. La grande transparence des verres de silice pure dans le spectre visible justifie leur large utilisation en optique. Ce sont aussi d’excellents isolants électriques.

3. Paragenèses

Quartz

Le quartz fait partie des minéraux essentiels sur lesquels repose la classification des roches éruptives (minéraux cardinaux d’Alfred Lacroix). Son apparition est conditionnée principalement par la saturation en SiO2 du magma ; aussi est-il caractéristique des roches à excès de silice (dites fréquemment roches acides), dont les plus importantes sont celles de la famille des granites ; absent en principe des roches saturées ou déficitaires en silice, il s’y trouve cependant souvent en petite quantité. Sa présence est incompatible avec celle de l’olivine et des feldspathoïdes, car la réaction donnerait un pyroxène ou un feldspath alcalin; toutefois, par suite du caractère incongruent de la fusion du pyroxène et de l’orthose, du quartz «réactionnel» peut se former, tandis que subsiste de l’olivine ou de la leucite, si l’équilibre n’est pas maintenu (cas des dolérites).

C’est très généralement du quartz a (de basse température) que l’on observe, bien que la cristallisation puisse se faire sous forme de quartz b, en particulier dans les roches volcaniques. L’inversion, en effet, s’effectue très rapidement lors du refroidissement et elle conserve la forme extérieure, par exemple celle des cristaux dihexaédriques fréquents dans les rhyolites; la diminution de volume détermine souvent des craquelures; de plus, le refroidissement entraîne la démixtion de certains éléments ayant pu entrer dans le réseau à haute température, comme le titane qui se sépare sous forme d’aiguilles de rutile. Par ailleurs, le quartz renferme couramment des inclusions liquides microscopiques, qui peuvent contenir une phase gazeuse (CO2 principalement) ou solide (comme NaCl), témoins du milieu de formation.

Le quartz apparaît ordinairement vers la fin de la cristallisation des magmas, après séparation des minéraux ferromagnésiens et des plagioclases calciques. Mais, dans les magmas granitiques riches en silice, albite et orthose, l’ordre de cristallisation dépend de la composition (cf. GRANITES, fig. 4), et le quartz peut cristalliser précocement sous forme de phénocristaux, ou tardivement sous forme interstitielle, d’où une grande variété de dispositions texturales.

Dans les roches plutoniques, le quartz se présente en grains visibles généralement à l’œil nu, avec un éclat gras caractéristique. Il est le plus souvent xénomorphe et interstitiel; cependant, les quartz subautomorphes arrondis, souvent corrodés, sont fréquents dans certains granites alcalins (notamment les granites à muscovite appelés granulites par les anciens auteurs français); enfin, au microscope, on peut observer du quartz résultant de réactions tardives, comme dans la myrmékite, où il forme des vermicules dans le plagioclase. Le quartz constitue plus de 40 p. 100 de certains granites alcalins et environ 30 p. 100 des granites calco-alcalins; sa proportion diminue dans les granodiorites et diorites quartziques; il peut devenir dominant dans les greisens (associé à la muscovite) et certaines pegmatites: dans les pegmatites graphiques, il s’interpénètre avec le microcline, chaque minéral conservant son orientation. Enfin, il compose l’essentiel des filons hydrothermaux, et en particulier la gangue de nombreux minerais.

Dans les roches volcaniques, une grande partie de la silice reste le plus souvent à l’état potentiel dans le verre, apparaissant par dévitrification sous forme d’une mésostase cryptocristalline. Mais, dans les formes porphyriques, le quartz apparaît en phénocristaux, ordinairement corrodés, parfois de grande taille, dans les rhyolites alcalines; il est plus rare dans les rhyolites calco-alcalines et les dacites. Il est beaucoup plus abondant dans la plupart des roches filoniennes (ou hypoabyssales), sous forme de phénocristaux automorphes, corrodés ou non, et de grains très fins dans la mésostase des microgranites, ou encore sous forme de micropegmatite dans les granophyres. Il est fréquent, en disposition interstitielle, dans les dolérites. Il peut en outre se présenter dans n’importe quelle roche comme minéral secondaire.

Sa grande stabilité, sa dureté et son absence de clivage confèrent au quartz une résistance particulière vis-à-vis des agents de l’altération météorique. Aussi figure-t-il à la première place parmi les minéraux résiduels et détritiques. Il se concentre dans les sables et les grès, dont il peut être l’unique composant (grès quartzite) lorsque les grains d’origine détritique sont cimentés ou nourris par de la silice secondaire.

Le quartz constitue également des accidents dans de nombreuses roches sédimentaires non siliceuses. Des cristaux, bipyramidés ou prismatiques, se développent dans les calcaires, les dolomies, les argiles, etc.; il tapisse parfois l’intérieur des géodes ou constitue des veines d’origine hydrothermale. Il se trouve aussi sous forme de calcédoine (plus ou moins associée à l’opale) dans des nodules, des rognons, ou remplissant des cavités, ou même en bancs entiers comme dans les meulières, anciens calcaires silicifiés.

Le quartz est un minéral commun des roches métamorphiques, en particulier de celles qui proviennent de la transformation de roches sédimentaires ou éruptives riches en silice. Il peut être relique, hérité des roches originelles (et reconnaissable lorsque le métamorphisme est faible); mais, la plupart du temps, il provient d’une recristallisation, souvent à partir de la silice libérée au cours de réactions affectant d’autres minéraux et susceptible de larges migrations: il présente alors un faciès xénomorphe, ordinairement granoblastique comme dans les gneiss. Il forme la quasi-totalité de la roche dans les quartzites.

Le quartz des roches présente fréquemment, au microscope, une  extinction onduleuse résultant d’une déformation mécanique: celle-ci engendre des dislocations divisant le cristal en petits blocs polyédriques légèrement déplacés les uns par rapport aux autres et prenant des orientations optiques progressivement variables (polygonisation).

Autres espèces

La tridymite et la cristobalite, comme il a été dit plus haut, ne se forment pas dans les conditions de pression du plutonisme, et leurs gisements naturels se trouvent typiquement dans les roches volcaniques «acides»: rhyolites, obsidiennes, tufs rhyolitiques, dacites, trachytes, andésites, rarement dans les basaltes. Ces minéraux apparaissent surtout dans des cavités, souvent associés (bien que l’association soit métastable), en même temps que la sanidine, la fayalite, l’augite, etc. Ils semblent dus à l’action des constituants volatils à haute température libérés lors de la cristallisation du magma; ce sont donc des minéraux de formation tardive, en particulier la cristobalite, laquelle remplace parfois la tridymite dans les vacuoles.

La tridymite et la cristobalite s’observent aussi dans les produits du métamorphisme de contact de haute température (faciès «sanidinite»), notamment dans certaines enclaves de roches volcaniques provenant de la transformation du quartz. Enfin, ces minéraux sont également connus dans les météorites.

L’opale est déposée à basse température par les eaux riches en silice. C’est ainsi qu’on la trouve dans les cavités et les filons hydrothermaux de nombreuses roches; dans les roches éruptives, elle prend naissance durant le dernier stade de refroidissement. Elle peut aussi former des encroûtements et participer à des concrétions diverses dans les sols et les sédiments ainsi qu’à la sortie des sources et des geysers. Elle est enfin le principal minéral de roches siliceuses d’origine biologique (diatomites, radiolarites, spongolites).

La coésite et la sitshovite n’ont été observées que dans les produits du métamorphisme d’impact et dans ceux des explosions nucléaires, avec la lechateliérite. Ce verre de silice naturel est surtout connu comme étant le constituant des fulgurites, tubes creux de quelques millimètres de diamètre et de plusieurs décimètres, parfois plusieurs mètres de longueur, produits par la foudre sur les sables quartzeux des déserts. La lechateliérite se trouve aussi en inclusions dans les roches volcaniques.

___________________________________

© 1998 Encyclopædia Universalis France S.A.Tous droits de propriété intellectuelle et industrielle réservés.