De : Jean-Philippe GERARD <.....@wanadoo.fr>
    Groupes de discussion : fr.bio.medecine
    Date : vendredi 19 février 1999 14:39
    Objet : L'art d'avoir toujours raison
    
    
    Quand on débarque sur fr.bio.medecine sans prendre garde
    et qu'on y découvre la gamme étendue d'arguments échangés 
       (y compris les noms d'oiseaux)
    pour faire avancer de moins d'un iota à la fois 
    la compréhension que peut avoir le profane des choses 
    de la médecine, on tombe dans une espèce d'inhibition 
    de la réflexion qui si l'on n'y prenait garde
    ménerait tout droit à la fossilisation intellectuelle.
    
    Les lecteurs de ce forum ne sont pas fous, et ne veulent
    pas le devenir pour la plupart, et depuis quelques
    années que je m'y accroche (avec des éclipses salutaires)
    j'ai constaté un turn-over (renouvellement) très prononcé
    des intervenants. La plupart sans doute dégoutés
    du très faible rapport signal/bruit. 
    
    D'ailleurs, quelques-uns (euphémisme) des mauvais arguments 
    échangés ici sur certains sujets semblent tout droit sortis 
    des cahiers d'exercices de mauvais avocats qui voudraient 
    plus tard faire de la politique leur gagne-pain.
    
    Nul besoin de construire une vérité. 
    Détruire l'autre est bien assez.
    La seule réalité qui vaille serait-elle 
    leur propre victoire ?
    
    Et puis, Arthur SCHOPENHAUER vient à la rescousse.
    "L'art d'avoir toujours raison" décrit très exactement
    ce qui se passe ici : la guerre.
    
    
    Quelques citations :
    
    STRATAGEME 27
    Si un argument met inopinément l'adversaire en colère, 
    il faut s'efforcer de pousser cet argument encore plus loin : 
    non seulement parce qu'il est bon de le mettre en colère, 
    mais parce qu'on peut supposer que l'on a touché le point faible 
    de son raisonnement et qu'on peut sans doute l'attaquer 
    encore davantage sur ce point qu'on ne l'avait vu d'abord.
    
    STRATAGEME 29
    Si l'on se rend compte que l'on va être battu,
    il faut faire une diversion, c'est-à-dire qu'on se met tout
    à coup à parler de tout autre chose comme si cela faisait partie
    du sujet débattu et était un argument contre l'adversaire.
    [...]
    Toute dispute entre gens du commun montre à quel point
    ce stratagème est quasi instinctif. En effet,
    quand l'un fait des reproches personnels à l'autre
    celui-ci ne répond pas en les réfutant mais en faisant 
    à son tour des griefs personnels à son adversaire,
    laissant de côté ceux qu'on lui a faits et semblant 
    donc reconnaître leur bien-fondé.
    [...]
    
    STRATAGEME 31
    Si on ne sait pas quoi opposer aux raisons exposées 
    par l'aversaire, il faut, avec une subtile ironie,
    se déclarer incompétent : "Ce que vous dites-là dépasse
    mes faibles facultés de compréhension ; c'est peut-être
    tout à fait exact mais je n'arrive pas à comprendre 
    et je renonce à tout jugement." De cette façon, 
    on insinue face aux auditeurs qui vous apprécient, 
    que ce sont des inepties.
    [...]
    
    STRATAGEME 36
    Déconcerter l'adversaire par un flot insensé de paroles.
    [...]
    
    STRATAGEME 37
    (Qui devrait être l'un des premiers). Si l'adversaire 
    a aussi raison sur l'objet du débat, mais qu'heureusement
    il choissit une mauvaise preuve, il nous est facile
    de réfuter cette preuve, et nous prétendons alors que 
    c'est une réfutation de l'ensemble. Au fond, cela revient 
    à faire passer un "argumentum ad hominem" pour un 
    "argumentum ad rem". Si aucune preuve plus exacte 
    ne lui vient à l'esprit ou à celui de ses assistants,
    nous avons gagné.
    
    ULTIME STRATAGEME (38)
    Si l'on s'aperçoit que l'adversaire est supérieur et que l'on
    ne va pas gagner, il faut tenir des propos désobligeants, 
    blessants et grossiers.
    [...]
    Toutefois, en tant que joute de deux esprits, la controverse 
    est souvent bénéfique aux deux parties car elle leur permet 
    de rectifier leurs propres idées et de se faire aussi de nouvelles 
    opinions. Seulement, il faut que les deux adversaires soient 
    à peu près du même niveau en savoir et en intelligence.
    Si le savoir manque à l'un, il ne comprend pas tout et n'est pas 
    au niveau. Si c'est l'intelligence qui lui manque, l'irritation 
    qu'il en concevra l'incitera à la mauvaise foi, à la ruse 
    et à la grossièreté.
    
    --------------------
    
    A bon entendeur !
    
    
    Bien à vous,
    
    Jean-Philippe GÉRARD
    Médecin-chercheur,
    philosophe à ses heures,
    sinon utopiste,
    et qui aimerait bien que ce forum puisse aussi être 
    un lieu d'échange constructif entre professionnels de santé
    pédagogues ou en demande d'expériences alternatives
    et amateurs plutôt curieux et parfois bien instruits.
    
    
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