Silicum & Culture Cellulaire


Les biologistes cellulaires ont tous remarqué que le silicium n'était (pratiquement) jamais répertorié dans la composition des milieux de culture. Serait-il absent ? Que nenni ! Le silicium est présent à l'état de contaminant dans la plupart des additifs utilisés pour fabriquer ces milieux. De fait, il est extrêmement difficile de faire la preuve qu'un élément a une influence quand sa concentration même approximative est inconnue. Ainsi quand le milieu de culture est conditionné en bouteille de verre il n'est pas interdit d'affirmer qu'une partie de la silice passe en solution (certes en quantité faible, mais n'est ce pas le propre des oligo-éléments d'être actifs à l'état de traces ?). Mais quelle quantité ? 

Rajouter de la silice en quantités croissantes dans le milieu et mesurer l'effet (...) pourrait être une façon d'évaluer son rôle. Seulement, ce silicium "nu" est-il biodisponible ? Pas sûr... Un silicium "organique" alors ? Cette expérience-là a été faite et publiée. Résultat : on peut obtenir un doublement de la prolifération spontanée de lymphocytes. Aucun autre paramètre mesuré.

Le fait que les boîtes utilisées pour cultiver les cellules soient en plastique peut être utilisé pour contrôler un rôle éventuel. Cela a été expérimenté en recouvrant le polystyrène de silice colloïdale. Les rendements d'adhérence initiale, de vitesse de croissance et de rendement final sont multipliés dans des proportions considérables (jusqu'à 3 fois).( Taub et coll. 1998 ). C'est beaucoup.

Étonnant ! Non ?

Quand les biologistes se croient obligés de rajouter du collagène, des glycosaminoglucannes (ac. hyaluronique, heparan-, keratan-, dermatan- sulfate), de l'élastine, sinon des cellules nourricières irradiées (feeder cells) pour faire croître et embellir des cellules délicates, certains peuvent se demander si des solutions plus simples (et économiques) ne pourraient pas remplacer ces artifices (au moins en partie). Il est d'autant plus permis de proposer cela que précisément ces molécules constitutrices du squelette externe des cellules - la matrice extra-cellulaire - nécessitent du silicium pour leur synthèse (silicium qui se trouve d'ailleurs intégré dans leur structure). Or ce silicium est, sinon absent, du moins très insuffisant (et/ou "présenté" de manière inappropriée) dans les milieux de culture employés aujourd'hui.

Les premiers milieux de culture qui ont permis la multiplication et la différenciation des cellules-souches hématopoïetiques (particulièrement fragiles) étaient semi-solides, et à base d'agar-agar. L'agar-agar, extrait des algues, est particulièrement riche en silicium.

Les cellules les plus avides de silice dans nos organismes sont les monocytes/macrophages. Ces cellules sont tellement gloutonnes que des particules trop grosses pour elles sont tout de même ingérées jusqu'à les faire mourir d'indigestion (c'est d'ailleurs un excellent moyen d'induire expérimentalement une immuno-suppression par élimination-suicide de ces cellules présentatrices d'antigènes). Ceci traduit sans aucun doute une spécialisation particulière sinon une nécessité vitale. Par contre, chez la souris il est possible d'obtenir une présentation d'antigène vers des lymphocytes T, sans macrophages, juste avec de la silice (et du 2b mercapto-éthanol). Il n'est peut-être pas innocent de rapprocher tout ceci de la très large gamme de facteurs de croissance et différenciation que le monocyte/macrophage est susceptible de fabriquer et secréter. En fait, sans monocyte/macrophage pas de cicatrisation possible (en dehors de ses multiples autres rôles). Une des principales indications de la prêle, la plus riche en silicium de toutes les plantes, autrefois très utilisée en phytothérapie, étaient les plaies rebelles à la cicatrisation, aussi larges soient-elles.

La disponibilité en quantité et qualité adéquates de silicium serait-elle alors un des goulots d'étranglement actuels pour la différenciation et la croissance de véritables tissus  - sinon organes -  totalement fonctionnels in vitro (clé de voûte des thérapies tissulaires de remplacement de demain) ?

Il y a d'autres arguments, plus "techniques" disons, issus de ma recherche propre (certaines observations ont presque 20 ans), qui sont encore plus flagrants à mes yeux mais je m'en voudrais de trop vous ennuyer ici... Si vous êtes chercheur (ou équivalent) et intéressé par ces observations, laissez-moi un message .

 

Bibliographie (un début...)

Colloidal silica-coated tissue culture dishes for primary cell cultures:
growth of rabbit renal proximal tubule cells.
Taub M; Axelson E; Park JH
Biochemistry Department, State University of New York at Buffalo 14214, USA.
Biotechniques 1998 Dec;25(6):990-4, 996

The use of colloidal silica as a substratum for primary cultures of
differentiated cells has significant advantages over classic tissue culture
polystyrene. In this report, the growth and the level of expression of
differentiated function of primary rabbit renal proximal tubule (RPT) cell
cultures on colloidal silica is examined, using hormonally defined serum-free
medium. Primary RPT cells grew to confluence more rapidly on colloidal silica
than on tissue culture polystyrene (TC+). Moreover, following three passages,
the RPT cells increased in number threefold more than parallel cultures on
TC+. The morphology of primary RPT cells on colloidal silica were found by
means of transmission electron microscopy to possess a polarized morphology
with a brush border, and differentiated markers were retained even after
passaging, including the Na+/glucose cotransport system and Glut 7.

http://wij.free.fr/cellcult.htm
Création le 6 juin 2000
MàJ le 16 décembre 2002